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La nuit a été difficile : réveils fréquents, rêves divers et incompréhensibles où je reconnais toutefois des images familières. Je regarde la maigre fumée qui s’élance de ma tasse de café et je devine, ou plutôt je dessine des visages étranges dans ce qui n’est que composition du hasard. Je boirai plus tard, d’abord la douche, le rasoir et s’habiller. Être présentable, redevenir l’homme de tous les jours et chasser l’homme de la nuit. Un jean passe-partout, une chemise grise et un pull noir léger conviennent.
Je retrouve ma tasse d’où plus rien ne s’échappe, je bois quelques gorgées de café froid, assis dans la cuisine devant cette vieille table campagnarde. Même si cela est faux, je ne pense à rien. Je me dis et me répète : je ne pense à rien, comme pour m’en persuader. Le temps passe sans que je puisse le compter. Non seulement je ne pense à rien mais encore je ne ressens rien, ni tristesse ni inquiétude, je suis disponible.
Aucun travail ne m’attend ce matin, pas d’article à écrire ou à corriger. Ma présence au journal ressemblerait à une balade dans une plaine désespérément plate. Aucune envie de me trouver à errer dans la Beauce. Alors, je continue de laisser le temps passer en m’agitant dans l’appartement.
Je finis par m’assoir dans un fauteuil, près d’une fenêtre qui donne sur la rue. Le quartier a repris ses activités : les livreurs, les voitures bloquées qui s’impatientent, l’orchestre Rom fidèle chaque matin, mon copain gentiment délirant, toujours accompagné de sa guitare dont il ne tire aucun son, il interpelle de loin ceux qui ont l’habitude de l’écouter raconter ses histoires, mon copain convaincu que je suis un grand comédien. J’aime cette vie bruyante, régulière dans son désordre. J’aime le bruit de la ville qui me manque le dimanche, il me rassure tandis que le silence de la campagne me met mal à l’aise. Je m’abandonne à ce spectacle sonore qui rythme ma disponibilité. Progressivement, celle-ci se peuple de visages identifiables comme s’ils dessinaient une ronde de plus en plus serrée pour enfin en isoler deux, celui d’Ève et celui de Jeanne.