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J’ai traversé la chambre dix fois ce matin
les objets étaient là
comme d’habitude
de petites choses sans qualité assemblées
par le jeu des mémoires
Il y a les rondeurs d’une poire en albâtre
deux bols tournés de main d’homme
un bouquet de lavande
des hectares de bleu et
jaillissant au travers
le ciel de la Latine
là où naissent les histoires de la Grande Ourse
les soirs d’été
Bord de mer à longues enjambées
Dans la clarté de la lune il m’était apparu
soudain et unique
comme un ami perdu de vue qui revient
Ma main tout près de lui
sans le toucher
mon regard au contraire
Tant d’années de visages du regard à la pierre, de la pierre à la main, de la main au regard, du regard au visage, du visage au visage
En silence j’avais avancé le bras
effleuré puis tenu longuement contre ma joue
sa réalité
M’étais laissé conter sa geste calme
sa douceur d’eau de pluie
mémoire minérale
Repartir
oublier
repartir
À chaque pas
ignorer le petit gravier dans le soulier
avancer
s’égarer et
garder un peu de joie pour la descente
jusqu’à la prairie dépliée
Laissons la nuit nous revenir
À nouveau d’une seule peau
dans la matrice d’eau tendre
qui neuf lunes durant nous avait enveloppés
Ma joue contre ton front de pierre
à force
ne tremble plus
Tu as cette façon d’être là
sans préjuger d’un chagrin
regard posé sur le monde sans faire mal
Ton secret de galet toujours plus galet