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les mers ouvertes
si loin des abondances de limons & de pierres d’Istrie qui inventent les terres fermes bercées de neiges & les margelles des puits nourris par les sources
les Résurgentes
si pleins des jambes hardies, puissantes d’autant d’heures passées en action & de piétinements sur le ponton, nous voguons, sur les mers ouvertes
si étrangers à l’espace clos de la ville, un labyrinthe de Raison & de Hasards – un puzzle blanc lait, enclins aux jusants qui jettent le corps vers l’épouvantail, qui engourdissent, nous somnolons entre veillée noire et blanche
si prompts aux besognes du bord, pétris par les milles, les mascarets du retour, la lagune où nous mouillons enfin & le quai nous hypnotisent
nous négligeons l'évidence : voici l’autre rive
acide, alcaline
j’ai traversé une terre acide & une autre, plus alcaline & des mers, – familier des natures, des végétations, des lianes, de ces faunes vives
j’ai vu les aloès, les toucans & les philédons de la Nouvelle-Hollande, les agapanthes, les seringuas, les arbousiers, les caroubiers, l’arbre de Katsura, l’œnothère, l’ilang-ilang de La Réunion
une épiphanie de pluies mauves, sœurs lointaines des poudrins de Terre-Neuve & des bourrasques & des typhons de Nouméa,
mers noires du sud impétueux, Mer de Chine, le souvenir des Sept Mers
j’ai songé à mon retour, à un trajet le plus sûr possible & maintenant je l’accomplis
ces périples – & alors des ailes d’or m’emportent loin de la Gorgone, me constituent à nouveau – je suis au cingle des temps, enfoui dans le hamac que protège des diableries la branche de lède sèche
enfin, j’aperçois la rive de l’enfance, ses premiers havres,
& toute la matière, toute l’incandescence mnémotechnique,
toutes les choses qui m’ont vu, d’abord, – que mon entendement,
mon agapè, ont pétries & qui s’affirment matrice pour l’explication
elles ne sont déjà plus qu’une mémoire exquise, un lent retour
au miroir de la Grande Demeure
& soudain, drapé d’humeurs, je me souviens de la peine qui me prit une fois au spectacle d’un jour tombant, tout orange & noir, gris de Payne, aux rivages de ces Indes orageuses & qui s’évanouit aussitôt,
elle devait son ampleur aux rires troublants des singes aux lèvres bleues sur une île gorgée d’eaux vertes, à cette caldeira qui se dressait en son cœur, à ses lames incisant la peau moite du ciel amniotique & je foule à présent la rive natale, cette fois, avec une joie de nouveau-né