Denis Heudre sur son site
Dominique Sierra, directrice des éditions la tête à l'envers, vient de publier le dernier ouvrage de Sabine Péglion, Le nid. Une élégie bouleversante.
« Les enfants ont quitté la maison, le nid est vide désormais » C'est par cette phrase entendue par l'auteure que commence ce livre avec un texte introductif nous donnant sans doute quelques clés de lecture. Mais dès les premières strophes, le lecteur sent que ce nid n'est pas que le cocon douillet duquel les enfants s'envolent, mais qu'il annonce quelques profondes souffrances :
« Attente ou résignation / il hésite […] Ombre noire déchiquetée / transpercée d'étoiles // elles y sombrent / une à une »
Car le nid se fabrique avec de petites brindilles et des plumes mais aussi avec les branches noires de la souffrance : « En toi / gît à présent ce nid / suspendu //matrice indéfectible / nid vide / inflexible au centre / de toutes tourmentes. »
Vus du nid « les visages d'enfants / en absence d'eux-mêmes // Tu inscris la terre qui se craquelle / et l'horreur de la mère dans l'enfant disparu ». Et défilent les jours, la vie, la rouille, l'écorce, les bourrasques, « le gris obscur des nuages ».
Puis le nid se fait barque, « Du nid indéfectible / à la barque du temps / tu dérives [...] terme ou départ / on n'oserait y croire ».Le voyage (envol ou dérive?) tourne enfin vers le soleil là où la lumière réchauffe l'intime sans renier le noir effondré.
J'aime la poésie quand, comme avec Sabine Péglion, elle n'est pas évidente, qu'elle ne nous saute pas aux yeux, comme elle nous sauterait à la gorge. Que les mots durs ne nous soient pas assénés comme aux actualités télévisées ou les séries policières. On ne sait rien de l'histoire qui sous-tend ce poème. Et c'est tant mieux, à chacun d'imaginer, de ressentir... et de ressentir surtout toute l'émotion et l'humanité qui transparaît de cette élégie bouleversante, rehaussée des belles encres sombres de l'auteur et si bien mises en valeur par le travail de l'éditrice. Un beau livre, à la belle âme.