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Critique de Calou Semin 



« De cet hymne de joie / comment préserver la note / la plus claire quand viendra la nuit »

Ces quelques vers de Jacques Robinet, tirés du petit ensemble intitulé Lumières d’avril, pourraient constituer une introduction à ce recueil délicat mais « en tension », comme l’écrit Gérard Bocholier dans sa belle préface. La nuit réconciliée apparaît comme le concentré précieux de ce que souhaite transmettre le poète qui affronte le grand âge avec lucidité : « Me voici –ajouré de plaies / et d’usures – sur ce chemin / où le soleil s’attarde ». Il y a même presque à l’occasion une certaine cruauté : « vieillard incohérent », « Je parle d’un souffle glacé / - venu de quel abîme - // qui m’appelle et m’entraîne / où je refuse d’aller » .  

La vie n’a pas ménagé les épreuves et les deuils. ( L’auteur, qui a longtemps accompagné les douleurs des autres pour les soulager, connaît les siennes). Nombre de poèmes apparaissent ainsi, non comme une méditation sur la mort, mais sur sa relation à celle qui a frappé ses proches (et notamment celle de sa mère, très présente, et dont le « départ creuse / une nuit si profonde / qu’elle se déchire »). A tous il dit : « Seuls vos cendres / vos ossements gisent / dans cette nuit profonde // Pourquoi mon cœur est-il / léger quand l’hirondelle / regagne son nid tout près de / la tombe où brille votre nom ».

Le recueil est fait de variations douces sur ce qui fait une vie, à partir de thèmes et d’images universels : la fuite du temps, la douleur, la solitude, mais aussi l’oiseau, le feuillage, la lumière bien sûr. Les fleurs et surtout leur parfum tiennent une place essentielle : « Je n’ai d’autre destin / que celui du papillon / guidé par les parfums / vers sa mort prochaine » ; mais il n’est pas toujours simple de démêler justement ce qui fait l’essentiel d’une vie : « Nul ne sait / quel amour confond / ce qui blesse / et ce qui apaise ».

L’écriture tient une place centrale parce qu’elle est essentielle pour faire sens  dans l’histoire et la démarche du poète : « La poésie jaillit à la pointe / du combat où l’ange défaille ». Il faut « chanter plus fort : pour remettre le jour à l’endroit », tout en restant lucide sur son pouvoir : « Tirés de leur sommeil / les mots s’agitent / réclament leur pitance / avant de regagner / la nuit de leur silence ».

« Je vous dirai ce qui résiste et / qui demeure ». Ce recueil met pourtant des mots sur ce qu’on peut qualifier d’intuition spirituelle : « Une faille s’est ouverte / La nuit n’est plus / et ce n’est pas le jour / Seule l’épure d’une prière ». Cela, même quand « Il n’y a personne / Les ténèbres s’estompent ». La quête de lumière est subtile : « La moraine s’écroule / Ne retiens que l’éclat / du glacier qui t’entraîne / (…) // A la fin tout s’épure ». Ainsi en va-t-il pour l’écriture : « Va au plus simple / au plus léger / sans habits de fête » car « Ce qui fut n’est que poussière / dansante sous le soleil ».

Les œuvres plastiques de Renaud Allirand accompagnent la lecture de touches bleues qui sont comme des intuitions nocturnes, dans ce livre de très belle facture. « Ne garde que la lumière », car elle seule, sans doute, a le pouvoir de réconcilier l’être au plus profond. La seule chose essentielle est sans doute de « retenir / tout cela qui ne pèse rien ». Il y a une forme de sagesse très profonde et cependant légère quand il nous dit : « Je voudrais respirer avant de partir / tous les parfums des fleurs ». C’est aussi le parfum discret de ce livre.