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Critique de Philippe Leuckx dans la revue Texture


Après deux éclipses de seize et treize ans, le poète a donné coup sur coup plusieurs ouvrages poétiques, chaque fois illustrés par le peintre et graveur Renaud Allirand. Les couleurs bleu nuit conviennent bien à cet univers intimiste, où le poète tisse en poèmes de douze, seize vers assez souvent, une réflexion sur la nature, ce qui demeure d’elle, quand l’oubli fait son marché, quand marcher aussi tourne en rond. Toutefois, le poème surgit, très cadré, très maîtrisé. 
« Le soir me rendait au silence
Je regagnais la Seine
Mes braises dansaient au fil
de l’eau sous le ciel enflammé »

Le poète, brassant des thèmes sombres – absence, ossements, mort, grand âge - se met à s’adresser à ses défunts (« je vous attends où murmurent les peupliers »), à la mère et « les loups de (son) enfance » ; le rappel d’un séjour à Ségovie avec elle (« Plus rien ne pèse à la saignée de mon bras ») : le poème véhicule intime mêle le proche et le lointain, sert le voyage intérieur et met les distances suffisantes pour que le lecteur s’imprègne de cette parole qui « réconcilie/ parole et silence » (p.81) qui donne la mesure de ce que l’écriture peut apporter à l’être : « C’est l’heure où tu trébuches/ sur ton ombre ». 
Rien n’échappe ni à « l’usure » des choses ni à l’espérance qui puisse « coûte que coûte/ lever l’oiseau sur les blés ». 
« Repêcher la lumière » ou « Chercher refuge où rien ne bouge » deviennent des missions, pour échapper aux « blessures ».
Toute de questions et d’âpretés, cette poésie révèle et suscite l’empathie. Le mot de la fin, terrible tout de même : « Tu heurtes le soleil / jailli de tes décombres » (p.108). Non, tout n’est pas perdu. Quoique.